Merver cultive du Sureau à Balıkesir

Un dimanche soir ensoleillé est le bon moment pour un barbecue entre amis. C’est ainsi que Merver m’accueille chez elle dans la tradition Turque. Sur la route, déjà partout dans les parcs et les jardins, des gens se regroupaient autour de barbecues et samovars fumants (ustensile de cuisine).

Les amis de Merver m’apprennent que les racines du Chardon d’Espagne (Scolymus hispanicus) sont servies bouillies avec de l’huile d’olive. Sur la côte sont consommées des salicornes (Salicornia sp.) et obiones (Obione sp.), dont il faut ôter « la tige du milieu », trop coriace, à la pince à épiler avant de les consommer, ce qui est un travail long et minutieux. Pour finir le repas, du romarin (Rosmarinus officinalis) est brûlé à la manière de l’encens, pour purifier l’air. Merver a 36 ans, elle élève seule sa fille unique adolescente, dans une grande maison sur les hauteurs de Balıkesir. Son métier est commercial, elle vend des compléments alimentaires aux pharmacies de la région. Suite à l’épidémie de corona virus, la demande de compléments pour stimuler les défenses immunitaires a explosé. L’industrie pharmaceutique recherche activement des baies de Sureau pour en fabriquer. Le Sureau n’est pas cultivé traditionnellement dans la région, et Merver et ses amis ne connaissent pas d’usage particulier à cet arbre. Les alentours de Balıkesir sont surtout dévoués à la production de plants de noyers et autres arbres.

Pépinière de noyer

Merver a commencé à cultiver le Sureau (Sambucus nigra)il y a 2 ans. Elle ne possédait pas de terres, et celles-ci étaient hors de prix. Elle a trouvé le moyen d’en louer via un système public d’attribution de parcelles agricoles, sous condition de cultiver certains types de végétaux. C’est ainsi, qu’elle cultive à présent une parcelle de 3 600 m² en bord de rivière. Aidée de ses proches, elle a produit les plants, par bouture de Sureau spontané de l’espèce Sambucus nigra, qui croissent au bord de la rivière proche de la parcelle.

Les rangées d’arbres sont espacées de 8 m, ce qui est le double de la distance requise. Cette distance a permis de recouvrir toute la parcelle avec le nombre de plants produits, il y a deux ans à l’attribution de la parcelle. Si Merver n’avait pas occupé l’ensemble de la parcelle, elle aurait couru le risque de voir son bail rompu. L’année prochaine, elle compte implanter des rangées intercalaires de Sureau ou de petits fruits.

Nous venons aujourd’hui sur sa terre pour la débroussailler, et pouvoir récolter quelques fleurs de Sureau. La végétation de cette parcelle humide en bord de rivière est très vigoureuse. Les chardons Marie dépassent la cime des Sureaux dans la partie la plus proche de la rivière.

Chardons Marie à hauteur de Sureau

Un agriculteur voisin s’occupe de l’essentiel du travail de désherbage, par un passage de disque qui couche la végétation spontanée, elle ne repoussera pas à cette hauteur avant le printemps prochain. Pour finir le fauchage, nous passerons la débroussailleuse au pied des arbres. Avant que Ümit ne passe les disques et couche la végétation, je submerge Merver de questions sur le nom et l’usage des plantes spontanées que nous voyons. J’apprends par ses dires que le chardon marie (Sylibum marianum), Deve dikeni ou Disen mariyan anna en Turque, n’était traditionnellement pas récolté. On en produit un lait de chardon vendu en pharmacie sous le nom de Devedikeni ou Milk Thistle. Cette astéracées abonde sur la parcelle de sureau, et dépasse même la cime des arbres proches de la rivière. Nous discutons de l’opportunité de valoriser cette plante spontanée en récoltant ses graines. Malheureusement, la récolte mécanique du Chardon Marie spontané, dans son terrain serait difficile car la hauteur des plantes est très hétérogène, et ne permet donc pas la récolte mécanique. La récolte manuelle quant à elle est difficile et non rentable. Le Sureau noir en lui-même était traditionnellement assez peut utilisé, on en faisait toutefois des infusions contre la grippe ou le rhume, et des sirops et une liqueur très populaire. Selon Merver, les turques utilisent peu les fruits, et ce n’est pas un arbre très commun autour de Balikesir. La camomille qui pousse dans ces parcelles n’est pas médicinale. Elle me montre un caractère discriminant pour la différencier de l’official : la vacuole présente dans le réceptacle n’est pas assez grande pour être la bonne camomille. Elle appelle Papatya.

Réceptacle creux de la camomille non médicinale

La camomille officinale sauvage est peu cueillie dans la région. Toutefois, l’activité se développe, et des femmes, à l’aide d’une pelle-peigne, récoltent à présent ces fleurs sauvages qui sont vendues en coopérative. La production de camomille, Merver la sait surtout industrielle et mécanisée, entre Mustafakemapasa et Balikesir. Actuellement, elle ne récolte pas de plante sauvage dans Ses parcelles, car juge que l’abondance et la régularité des plantes intéressantes n’est pas assez bonne pour être rentable. Merver ne connais pas d’utilité aux Laiterons, Euphorbe, Renoncule, Véronique, graminées en général, qui poussent sur sa parcelle. Elle connaît surtout la consommation de l’Ortie pour la garniture des bureks (feuilletés à la viande). En bordure de rivière, nous buttons sur une très grande graminée (Örgü), la canne de Provence. Il est possible de la tresser, pour faire des cabanes et des brises vent. Son père utilise cette graminée en brise vent et comme tuteur pour les plants.

Grande graminée « Örgü »

Ses parents arrivent justement pour aider à finir de désherber le pied des arbres, et récolter quelques fleurs des sureaux, qui seront séchées au sol entre les rangées ou bien sous serres selon la météo. Ces fleurs seront ensuite préparées pour faire des infusions ou une liqueur, Mürver likörü, très réputée en Turquie pour la préparation de cocktails.

Elle ne taille pas beaucoup ses arbres, car ils vont naturellement en largeur, ce qui est le bon port pour obtenir le maximum de fleurs, et faciliter les récoltes. Le soir, une holding a appelé Merver, car elle veut produire du Sureau sur 10 ha. Elle est pionnière de cette culture en Turquie, et est régulièrement sollicitée pour faire part de son expertise. Merver limite l’irrigation de ses arbres en été et n’applique pas de pesticides. Espérons que les grands producteurs à venir suivent les pratiques écologiques de cette pionnière.


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